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De retour à la Casa Amarilla, je croise dans la cuisine un mec immense, la trentaine, ultra beaugosse, barbu, bandana sur la tête, veste en cuir, santiag. Il s’appelle Antonio, est l’un des artistes en résidence, et par ailleurs ancien motard. Nous discutons ensemble de nos aventures respectives, et il raconte les siennes avec passion, en s’agitant, modulant son ton de voix tel un acteur, avec un charisme incroyable. Une sorte de mélange improbable entre un Johnny Depp pour le physique et Benoit Poolevorde pour la flamboyance (improbable hein!). Le tout version sud-américaine, en mode gaucho, avec l’esprit de conquête et de chevelarie. Un personnage!
Il me donne des adresses de garage à Asuncion pour réviser Parkinson, ma tremblante moto qui après le trajet Ciudad del Este/Asuncion déconne un peu… Lundi, 14h, je débarque donc dans les banlieues embouteillées d’Asuncion, un nouveau test de conduite. Les conducteurs ici sont bien stressés, te klaxonnent si tu ne démarres pas au quart de tour. L’un d’eux me met particulièrement la pression depuis deux minutes, inévitablement à un carrefour sans feu, je stresse, cale, redémarre nerveusement, oublie de regarder à droite en me lançant, et passe à une seconde de me prendre un pick-up lancé à toute allure. Je sens le vent sur son passage et entend le klaxon qui s’éloigne…
La journée est consacrée aux dernières démarches avant de rentrer en Argentine : je souscris à une assurance (ici on peut acheter une assurance à la journée si on veut!), m’achète un nouveau téléphone avec GPS, puis récupère la moto. Je sympathise avec les gars de l’atelier qui hallucinent quand je leur annonce que j’ai l’intention d’emmener Parkinson au moins jusqu’en Colombie. C’est la première d’une longue série de discussions sympas que j’aurai avec la plupart des mécanos que je vais croiser durant les prochains mois. Le garagiste me dit qu’une des pièces du réservoir fuit un peu, et qu’il faut que je pense à la remplacer bientôt. Je me dis que j’ai le temps de le faire plus tard, et prends la route.
Il est 22 heures quand je rentre à Aregua après une journée bien remplie. La moto n’a jamais roulé aussi bien, elle est silencieuse et je prends plaisir à avancer tranquillement au milieu des embouteillages. Je suis en quatrième à Luque, une ville à mi chemin quand soudainement le moteur s’arrête sans aucune raison. Hein? Je me range en urgence sur le bas-côté et essaie de redémarrer. Rien, le starter marche dans le vide.
Il fait nuit, je suis à 10 km de la Casa Amarilla et à peu près autant de mon garage. Evidemment tout est fermé autour. Petit coup de stress. Je demande sans conviction à la vendeuse de lomitos qui est juste en face où je peux trouver un garage ouvert à cette heure là : « Mi marido es mecanico »
Je viens de chatter là non?
Elle appelle son mari, qui tripote la bougie, le changement de vitesse et en 5 minutes la moto redémarre. En cahotant un peu certes, mais je peux au moins rentrer à Aregua. En arrivant à destination, je réalise qu’il est impossible de mettre le point mort, et que le moteur est en surrégime sans que je sache pourquoi…
Je suis bon pour retourner au garage le lendemain. Antonio, qui a l’air plus choqué que moi de l’incompétence de ses compatriotes garagistes, leur téléphone et crie un tas de trucs que je ne comprends pas, mais de l’extérieur ça fait un peu peur. Du coup, je suis envoyé dans un garage juste à côté dans lequel le mécanicien se rend compte immédiatement que le « chicle de aire », une petite pièce qui régule l’entrée d’air du moteur est absente, probablement oubliée par son collègue précédent ! Le problème est réglé en un clin d’oeil, je repars, m’achète une combinaison antipluie paraguayenne qui ressemble à peu près à un sac poubelle épais avec des manches, et passe ma dernière journée à la Casa Amarilla à bien manger, écrire, et à me faire interviewer par Club Poker Radio pour la deuxième fois… Le début de la gloire!
Mercredi 5 juin, 12h, je suis prêt pour le grand départ! La mission, c’est de rejoindre San Miguel de Tucuman, ville du nord de l’Argentine dans laquelle m’attend ma cousine pour le dimanche 9 juin. Elle part pour Buenos Aires le lendemain, donc j’ai 4 jours pour faire 1500 km « si o si ». J’ai prévu une étape à Corrientes, une autre à Santiago del Estero, et une autre dans un village entre les deux pour l’instant indéfini.
C’est un peu tendu, mais à ce moment, vous n’imaginez pas la patate que j’ai, seul sur la moto, en tshirt et bermuda par 30°, le soleil sur ma peau, le sac à l’arrière, le GPS dans la poche. J’éprouve le même sentiment de liberté qui m’habitait l’autre soir dans Asuncion et je me sens capable de faire n’importe quoi. D’ailleurs je dois être un peu trop emporté par l’enthousiasme car à la sortie de la capitale, au niveau d’un petit carrefour, je serre un peu trop mon virage, me prends une bordure, la moto saute et je fais ma première chute.
Choc. Ca s’est passé en une seconde.
La moto par terre, la roue tourne à vide, le moteur s’est arrêté, et je marche dans une flaque d’huile, ou d’essence, je ne sais pas… Je m’inspecte, je n’ai mal nulle part. Juste une petite brulûre au mollet à cause du pot d’échappement. Heureusement, je roulais lentement, et je suis retombé sur mes pieds. Parkinson par contre a pris cher. Avec l’aide d’un paraguayen sympa qui s’est arrêté, je la redresse et me rends compte des dégâts : le compteur de kilomètres et un signal réfléchissant sont cassés, la pédale du frein arrière est complètement tordue, et j’ai un peu peur pour mon réservoir d’essence… On éloigne un peu la moto de la flaque, essaye de la démarrer et ouf, elle marche encore. En première, je suis le type qui m’accompagne à un atelier juste à côté.
Le mécano inspecte la machine, me dit que le réservoir n’a aucun problème, la flaque était probablement due au fait que la moto était couchée. Il redresse la pédale avec un marteau, vérifie le reste, tout va bien!
Je viens de chatter la aussi non?
Je reprends la route immédiatement, en me promettant d’être plus vigilant, et me trouve à la frontière au bout de quelques minutes. Un peu stressé car on m’a annoncé les pires embrouilles avec les douaniers argentins, ces monstres corrompus avides de bakshishs qui trouveront le moindre prétexte pour me soutirer de l’argent. Ils me demandent de m’arrêter, je m’exécute. Me montrent le bureau où je dois tamponner mon passeport, j’y vais docilement, le tamponne, et puis plus rien. Personne ne s’occupe de moi, je remonte sur la moto, démarre, pars lentement, prêt à entendre un gyrophare, mais non, tout va bien. Je suis passé en Argentine!
C’est marrant comme de l’autre côté de la frontière, on sent que tout est différent, mais on n’arrive pas tout de suite à dire quoi. Le plus évident, ce sont les paysages. La terre rouge paraguayenne a laissé place à de grandes étendues d’herbes et des arbres épars. La route est propre, bien marquée, tranquille. Les voitures et camions ont quinze ans de moins. Les gens parlent différemment. Je m’arrête quelques minutes à Clorinda, la première ville que je croise pour m’acheter une sim argentine, discute avec le jeune vendeur. Ici, on chuinte tout, « yo llamo » ne se prononce pas « yo yamo » mais « cho chamo », et on rajoute des « che » (l’équivalent d’un « hey! ») à toutes les phrases. Oui, j’ai bien changé de pays… Je reprends la route, 300 km direction plein sud! Je passe tranquillement les premiers 150 kilomètres, le sourire au lèvre, travaillant mon bronzage, la route est vraiment agréable. A hauteur de Formosa, à mi-chemin il commence à faire nuit. A ce moment, je regrette d’avoir passé la matinée à discuter avec Antonio ainsi que la chute qui m’ont fait perdre de précieuses heures de soleil car de nuit sur cette nationale non éclairée, c’est tout de suite moins agréable… La zone est un peu désertique, on a perdu 15° en une heure, et mes deux pulls, ma veste, ainsi que ma combinaison ne sont pas de trop à ce moment. Le trafic lui aussi est plus stressant, et je sens mon coeur accélérer à chaque fois qu’une voiture s’approche pour dépasser. Au bout de sept heures de route bien usantes physiquement et nerveusement, je suis rassuré d’arriver enfin chez mon couchsurfeur qui m’attend chez lui.
Il s’appelle Ariel, a 28 ans, avocat ayant déjà monté son propre cabinet avec une copine, vivant seul. Il me fait faire un petit tour à mon arrivée, on va boire un coup, il marche la tête haute, avec l’assurance du mec qui sait ce qu’il veut, salue la moitié de la ville, lâche des blagues, drague les filles, commente leurs diverses courbes, je suis bien en présence d’un argentin! Le lendemain, il m’emmène à son cours de français et je me refais une petite session de gonflage de cheville en racontant mon voyage comme je l’avais fait à Curitiba un mois plus tôt ( Ariel est tout à droite).
Puis pendant qu’il travaille, je contacte un autre couchsurfeur que je dois rencontrer. Celui-ci n’étant pas dispo, il me donne le numéro d’une copine, qui n’étant pas libre elle non plus, me fixe un rendez-vous avec un de ses amis. C’est ainsi que je me rends au parc de Corrientes où je suis censé rencontrer un certain Matias que je n’ai jamais vu, pas même en photo. Celui-ci est accompagné de Marco, un autre local, et de Jade, une française assistante de langue dans la ville. Le courant passe bien, nous mangeons des glaces au coucher du soleil, et Marco qui est étudiant en architecture, me donne rendez-vous le lendemain pour aller visiter son école.
Il y a des villes qu’on sent mieux que d’autres, et je me rends compte qu’avec tous les contacts que j’ai fait en une journée, il serait dommage de s’en aller si vite. Si l’on ajoute à ça la perspective peu attrayante de faire 4 jours de moto à 7h de route par jour, et le fait qu’Ariel m’ait proposé de rester chez lui autant de temps que je voulais, une évidence se décante en cette fin d’après-midi. Je m’étais promis avant de partir d’être flexible, de saisir les opportunités, et ne jamais me forcer à quitter un endroit que j’aimais pour suivre un quelconque programme. Je décide de suivre mes bonnes résolutions, et décide de transformer mon road trip sportif en une ballade tranquille. Je vais rester quelques jours de plus ici, et verrai ma cousine à son retour de Buenos Aires.
Je vais donc passer une petite semaine à Corrientes, à me ballader en ville avec Matias, visiter Resistencia, la ville de l’autre côté du fleuve où se situe l’école d’architecture et où je donne un petit cours d’architecture bioclimatique à Marco et son groupe de travail, aller au boliche (boîte de nuit) avec Ariel, constater que je n’avais pas vu une telle concentration de jolies filles depuis Rio, et ressentir l’étrange sensation d’être un apétissant morceau de viande à chaque fois que j’en arrive à leur dire que je suis français.
Je profite également d’avoir les clés du studio d’Ariel pour me faire deux sessions de poker au casino de Corrientes. Intéressantes sessions! Je savais que l’Argentine était le pays d’Amérique du Sud où le poker était le plus implanté. Ici, ils connaissent le jeu depuis longtemps, diffusent des émissions à la télé et de fait, les tables sont plus dures qu’au Paraguay et au Brésil.
A Corrientes, le niveau est comparable à ce que je peux trouver dans un casino standard français avec 3-4 joueurs très faibles, 3-4 joueurs qui savent à peu près ce qu’ils font, et surtout, deux sharks ! Evidemment c’est un peu plus dur, mais tout passionné vous le dira, on prend mille fois plus de plaisir à affronter des bons joueurs, quitte à perdre en bénéfice financier. Quel plaisir de se creuser enfin la tête sur certains spots, de jouer contre des profils un peu moins caricaturaux, et d’avoir de vraies décisions à prendre. J’en profite pour jouer concentré mon meilleur poker, fais une session légèrement positive et une autre excellente (dont je ne ferai pas de compte-rendu, je n’ai pas pris de note ni de photo car le téléphone était interdit, et de toute manière, petit spoiler, les prochaines sessions sont beeeeeaucoup plus intéressantes à raconter ;)). Au moment de partir de Corrientes, je constate avec satisfaction que je suis sur une magnifique série de huit sessions positives d’affilée, et que je n’ai pas retiré d’argent depuis Rio, il y a de cela 55 jours!
Good run che!
La prochaine grande ville où je dois aller est Santiago del Estero, à 600 kilomètres de Corrientes. Avec Parkinson, je me vois mal faire les 10 heures estimées en une fois et il va donc falloir s’arrêter quelque part entre les deux. Je repère quelques villages sur la route dans lesquels j’envisage de m’arrêter quelques nuits pour me reposer, et profiter d’être au milieu de nulle part pour avancer sur mon blog. Puis je fais mes adieux à Ariel, et me lance. 200 km soit environ 3h30 de route en ligne droite jusque la première ville d’importance moyenne, Saenz Pena, un peu trop grande pour mon objectif de calme et d’écriture, et malgré l’heure qui avance, je décide de poursuivre jusqu’à Charata, à une heure et demie… Mais catastrophe! Juste après avoir dépassé le dernier village avant un grand vide de vingt kilomètres, je vois le carburant qui goute du réservoir. Il va faire nuit dans peu de temps, et il est inenvisageable que je continue dans ces conditions. Demi-tour immédiat, je roule quelques minutes, et tombe sur la pancarte d’un hôtel, suis un petit chemin arboré, et arrive au coucher du soleil dans une sorte de ranch au milieu d’une jolie forêt. J’arrête ma moto près de l’entrée, ouvre une porte, c’est une cuisine, et il y a une fille au fourneau. Pas loin une autre est en train de préparer l’asado (barbecue).
» Bonjour, ma moto est cassée est je cherche une chambre pour la nuit vous avez de la place?
Elle part se renseigner et revient
– Oui, on a une chambre pour toi cette nuit
On discute un peu, elles sont jolies, maquillées, habillées comme si elles allaient sortir. Petit sourire.
– Il y a une fête ce soir?
– Oui, un anniversaire »
Même quand j’ai des galères, j’ai de la chance… Le lieu est magnifique, calme, les bâtiments avec de belles charpentes en bois, plans en symétrie. Tout est parfait ici. L’architecte que je suis est touché, le motard reposé, le blogueur inspiré. Le couchsurfer lui, a un peu mal aux fesses car tout ça a un prix plutôt élevé même selon les standards français mais bon, après deux mois de voyage à dormir chez l’habitant, quelques nuits dans un hôtel un peu balla ce n’est pas insensé…
Elle m’emmène à ma chambre, dans une très belle maison avec terrasse extérieure en bois, hamac & co. Je lâche mes affaires, me douche, sors même la chemise en prévision de la soirée, et quand je reviens au restaurant, personne. Je me renseigne à la gérante. En effet, il y a bien un anniversaire ce soir, mais à Saenz Pena, à 10 kilomètres… Petite déception, je me console en mangeant un délicieux repas de spécialités locales, et en me disant que de toute manière, j’ai trouvé l’endroit rêvé pour écrire.
Le lendemain, après une bonne nuit de repos, je vais chercher un mécano à Avia Teraï, le village le plus proche. Le réservoir d’essence à gouté toute la nuit, est presque vide, et je me trouve à faire les derniers deux cent mètres à pied. Le mec ouvre la moto, repère une petite fissure entre le réservoir et la pièce que le mécano d’Asuncion m’avait dit de changer, j’aurais mieux fait de l’écouter. Nous allons au magasin de pièces détachées acheter de la poxilline, une pâte durcissante. Je parle avec le gérant du magasin, Franco, début de la quarantaine, avec lequel je sympathise. Il me demande où je loge, puis me propose au bout de cinq minutes de rester chez lui avec sa famille pour la nuit. Tant pis pour l’hôtel de luxe, j’accepte ! Je vais réparer la moto, puis chercher mes affaires et reviens au magasin. Nous faisons un peu plus connaissance, et il me raconte son histoire. Sa « légende ».
Son père est arrivé de Syrie dans les années 60, et lui est né dans une famille pauvre, à Santiago del Estero. Il rencontre sa femme argentine et s’installe à Avia Teraï où il vivote quelques années en faisant du commerce jusqu’à ce qu’un après-midi, il y dix ans, entre dans sa boutique un jeune brésilien qui voyage à pied. Une sorte de nomade fauché, qui se déplace avec le vent, mange quand il peut et dort dans la nature. Franco me raconte qu’il héberge pendant quelques semaines par intermittence ce jeune type qui apparait et disparait sans prévenir. Il en parle avec un étrange respect, et on sent qu’il a été impressionné quand il évoque son savoir et sa sagesse. Un après-midi, le nomade lui demande un peu d’argent pour payer le bus, et Franco lui donne quelques pesos.
« Je te les rendrai,
– Non garde les, ce n’est rien.
– Non je te les rendrai, je te le promets, ce qu’on me donne, je le rends toujours. Peu importe quand. »
Il continue son histoire « Il a pris le bus et je ne l’ai jamais revu. Par contre, à son départ, j’ai commencé à vendre de plus en plus. Tout ce qui rentrait dans le magasin était vendu tout de suite. Rien ne restait en stock ! Ca n’était jamais arrivé avant. Au bout de quelques mois, j’ai ouvert ce magasin de pièces détachées, puis un autre, encore un autre… Aujourd’hui j’en ai cinq et mon affaire continue de grandir.
– Tu veux dire que tu crois que ce mec y est pour quelque chose ?
– Oui, j’en suis convaincu. Quand je croise des amis que j’avais il y a dix ans qui m’ont connu à l’époque où je n’avais rien et qui me voient aujourd’hui, ils ne comprennent pas. Et moi non plus d’ailleurs, la seule explication que j’ai, c’est ce mec.
– Et du coup, c’est pour ça que tu héberges les voyageurs que tu croises. J’espère que je porterai autant de chance que ce type. »
Passionnante discussion ! J’adore les histoires de vie, et celle-ci avec son petit côté magique est magnifique. On parle ainsi plusieurs heures, puis le soir venu, il m’emmène dans sa maison, et je rencontre sa femme Mary, sa fille Nahir (16 ans) et le petit dernier Nasser (8 ans). Nous mangeons tous ensemble une milanesa, et ils me passent la chambre de Nasser. Ca y est j’ai trouvé une nouvelle famille.
Inévitablement, comme souvent quand je suis hébergé spontanément par des locaux durant mes voyages, la première nuit se transforme en deux, en trois… Au final, je partage leur quotidien pendant presque une semaine. Franco s’occupe bien de moi, me ballade un peu partout. Il a entièrement confiance, me laisse seul chez lui pour écrire pendant qu’ils sont au travail. Nous allons faire une virée en famille à Corrientes, faire du shopping, aller au ciné. Je ressors mon arme secrète, la quiche lorraine, parait-il encore une fois réussie à un tel point que Mary me demande la recette. Je rigole avec Nahir. De jolis moments de vie.
Au bout d’un moment, il est temps de partir, et je décide de m’en aller le jour de la Fête des Pères, Dimanche 15 juin. La plus grosse étape de mon voyage est pour aujourd’hui : un peu plus de 400 kilomètres jusqu’à Santiago del Estero, soit environ 8 heures de route, direction Sud-Ouest. Il fait gris et un peu froid ce matin, ca n’était plus arrivé depuis Asuncion, je ne le sens pas trop bien. Je roule en cinquième tout le long, sans problème, jusqu’à l’entrée d’un village après une centaine de kilomètres où je ralentis sauf que… L’embrayage ne répond plus ! Ok… Super, je suis bloqué en cinquième, et m’arrête donc en calant sur le bas-côté. Inspection de Parkinson, cette fois-ci, c’est tout simplement la pièce qui relie la pédale d’embrayage au moteur qui est tombée. Hahaha, c’est tellement ridicule que ça en devient comique. Bref, je pousse la moto jusqu’au seul atelier du village, fermé évidemment en ce jour de fête. Dans la maison d’à côté, une famille est entrain de manger, je leur demande s’ils ont une idée d’où peut se trouver le mécano, et le voila qui sort de la maison.
« Tu as de la chance que j’étais chez les voisins, j’allais partir chez mon frère dans cinq minutes… »
Quand je vous dis que c’est le good run…
Il prend ses outils, me remplace la pédale de l’embrayage pour un modèle qui d’après lui ne se cassera jamais, me règle quelques autre petites merdes sur la moto. Pendant ce temps là, la maman me sert de délicieuses empanadas à la viande et au raisin sec, spécialité de la région, m’offre à boire, me donne quelques conseils de visite. Une demi-heure plus tard, Parkinson est comme neuve et j’ai dans mon sac des empanadas pour la route, le tout offert évidemment. Bonne fête des Pères !
La route continue, vers les deux tiers du chemin, je passe de la province du Chaco à celle de Santiago, et d’un coup j’ai l’impression d’être de retour au Paraguay. Les villages sont beaucoup plus pauvres, délabrés, les maisons faites de bric et de broc, couvertes de tôle ondulée, et surtout il se met à pleuvoir et la route se transforme en ça.
Un camion qui passe, je suis éclaboussé. Une heure à ce régime et je suis trempé. Quand j’arrive à Santiago del Estero, encore une fois épuisé et de nuit, la moto et moi ne formons plus qu’une masse uniforme couverte de boue…
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