03. De Rio a Piquete

03. De Rio a Piquete

avril 18th, 2013
01.Brésil

article précédent : 02. Premiers jours à Rio

Pour ma dernière soirée à Rio, nous sommes avec mes hôtes à Arpoador, une digue naturelle près de Copacabana et cherchons une fête pour terminer en beauté mes deux semaines dans leur ville. À défaut de plan satisfaisant, André me propose de créer la fête… Il s’approche d’un mec assis sur une percussion locale qui ressemble à un cageot de fruit fermé et lui demande la permission de l’utiliser. Le mec le toise, cherchant à évaluer le sérieux de la requête, puis finit par accepter.

Les dix minutes qui suivent sont magiques.

André s’installe et commence à jouer et chanter un standard brésilien. Un sourire de surprise et de satisfaction se dessine sur le visage du propriétaire de l’instrument. Le tempo est juste et la voix calée. Des regards se tournent vers nous. Rapidement, des curieux s’approchent, commencent à bouger légèrement en rythme. Trois filles plus téméraires que les autres se mettent à danser franchement. D’autres arrivent, dansent, chantent et en quelques instants nous sommes désormais une vingtaine à former un cercle joyeux autour d’André.

La fête est lancée.

Je suis bien au Brésil.

Je vous avais laissés au dernier article plein d’espoir suite à ma rencontre avec cette coloc de joyeux ingénieurs vivant au centre de Rio. Je n’ai pas été déçu. André, André 2 et Shulek, trois bonhommes pleins de vie, avec lesquels j’ai partagé le quotidien de carioca fait de plage, de musique, de fêtes et de filles. Le tout avec naturel et décontraction.

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OK, ils sont probablement pas trop représentatifs du brésilien moyen je suis pas dupe ( j’ai traîné principalement dans le centre, et on parlait plus anglais que portugais dans les soirées à 30 reals des favelas ), mais la culture hédoniste dans laquelle ils baignent est des plus agréables.

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— POKER —

NDLR : si le poker vous saoule, évitez la partie verte… Rassurez-vous cependant, je vais essayer de rester assez vulgarisateur. Je suppose que vous devez pas trop avoir envie de savoir quelle est ma range de 3bet 100 deep bu vs mp contre un opener lag spewy qui aime go broke any fd + TPnK+ et qui m’a suckout au level 4, 100/200/10 dans un pot pour 55 bb. Sachez que les joueurs de poker comprennent parfaitement ce que je viens de dire et sont entrain de préparer une réponse appropriée. Pour les autres, je ne vous en veux pas : )…

J’étais tenté de rester à Rio à faire la fête tous les soirs, mais  je me suis souvenu que j’avais décidé d’appeler mon voyage World Poker Trip, et j’ai fait mes premières soirées poker. Ne parlant pas portugais, et n´ayant absolument aucune idée de la nature des joueurs brésiliens, je trouvais rassurante l’idée de me faire accompagner. Mais après plusieurs faux plans de la part du soi-disant pro, j’ai finalement décidé d’y aller seul. 

Avant de partir au 72o club, dont je ne connaissais que l’adresse griffonnée sur un papier, j’ai dit à Shulek  « Hey I’m going to this poker game. If I’m not back after 5 am, that’s time to start to worry. » Ça l’a fait beaucoup rire, mais je pense qu’il n’a pas compris que j’étais sérieux… C’est ainsi que je me suis retrouvé devant un gratte-ciel brésilien du centre. Aucune inscription à l’entrée,  j’ai quand même décidé de prendre l ascenseur pour le 19è étage, une petite boule au ventre. A l’arrivée, un petit comptoir, et une fille a l’accueil.

« -boa noite, aqui e ou poker? (les puristes fermeront les yeux, je commence a parler, mais je ne sais pas écrire haha)

-sim

-fala ingleis?

-naõ falo pero fbfbiusfksjbf kjkjkfjbsf sxd sbisbisfiubsef iub » 

Devant mon incompréhension  elle finit par me faire entrer dans la salle et m’amène à un type qui m’explique plus ou moins comment ça se passe. L’endroit ressemble à une salle polyvalente de collège dans laquelle on aurait installé des tables de poker. Les faux plafonds en placo, les lumières blanchâtres, aucune fenêtre  alors que la vue sur Rio doit être sublime.  Je m’assois et la partie commence. Je reçois mes premières cartes, les jette. Deuxième main, je jette. La routine lente, presque ennuyante du poker live. Mais la mécanique se met en route petit à petit. Repérer les profils des joueurs. Qui est là pour l’argent, qui est là pour le fun. Celui-là va-t-il avoir peur de son ombre ou aura-t-il envie de montrer qu’il les a en béton armé?   Dès les premières minutes, une esquisse de stratégie se met en place. Qui vais-je éviter,  qui sera mon spot (ma cible) ce soir ? Bientôt  le portugais n’a plus d’importance. C’est le langage des maths, des cartes et du corps qui compte et je l’étudie depuis des années.

Ma table ressemble à ce que j’ai l’habitude de voir en France. C’est tellement semblable à vrai dire que c’en est surprenant. Je m’attendais à une spécificité brésilienne, ou américaine, mais non. Même les tells, ces gestes involontaires qui sont censés révéler la force de notre main (vous vous rappelez James Bond qui se gratte le sourcil quand il a une bonne main? C’est ça un tell, même si évidemment en vrai c’est jamais aussi flagrant), même les tells donc restent fiables ! A table, j’ai trois jeunes joueurs prudents, je vais m’attaquer à eux en priorité. Deux cinquantenaires type businessman en vacances qui sont là pour passer du bon temps. Ceux-là, il ne faudra pas les bluffer, ils sont la pour voir des cartes. Et juste a ma gauche, un quarantenaire agressif.

Dès la première main, je constate qu’il va me poser des problèmes.  C’est un bon joueur, il n’aura pas peur de mettre les jetons sur la table, saura miser quand il le faudra. Il gagne avec un peu de réussite notre première confrontation. Pas de problème ..  A table, il est très actif, relance beaucoup les joueurs timides. On ne me la fait pas à moi… Je relance Q9 dépareillés, une main moyenne, en milieu de parole et évidemment, il me surrelance. Je n’ai aucune envie de me laisser faire, décide de lui montrer qu’en France, on est des bonhommes, et le sur-surrelance.

Il me sur-sur-surrelance.

Ah…

Bon…

Ok. Brésil 2 – France 0. Je me couche.

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Le tournoi que j’ai choisi est un format court, et avec un peu de malchance, je me retrouve rapidement en danger. Quelques minutes plus tard, je suis éliminé. Mon premier tournoi brésilien a duré moins d’une heure, haha, petite claque… Je me retrouve comme un con « Boa Noite » « Boa noite » général. Je sens presque la pitié dans leur voix, mais ce n’est une impression bien sûr. On se sent toujours un peu misérable quand on sort d’un tournoi qui plus est rapidement… Je rentre à Flamengo en métro. Shulek peut être rassuré, il est à peine minuit…

Le lendemain, je reçois la réponse de Pauline, une fille que j’avais contactée via couchsurfing. Pauline a 21 ans, elle est suédoise et vit à Rio depuis 6 mois en jouant au poker sur internet. A 19 ans, ayant arrêté l’école et lassée des petits boulots, elle a demandé a son frère, un des meilleurs grinders suédois, de lui apprendre à jouer. Six mois plus tard, elle en vivait. Elle accepte ma proposition d’aller jouer ensemble à un gros tournoi sur 3 jours dans la banlieue de Rio.

Notre arrivée dans la salle du tournoi est plutot remarquée… Un blanc aux yeux bleus accompagné d’une petite bombe suédoise, ça tranche plutôt pas mal ici. Tout le monde nous regarde, enfin surtout elle, et on sent que ça parle beaucoup… Pendant un moment je sens qu’ils veulent savoir qui nous sommes, mais personne n’ose demander, jusqu’à ce que l’un d’eux, un peu bourré, commence à faire connaissance et toute la table s’enflamme en apprenant nos nationalités. Désormais, je suis « Franceis », et ils m’apostrophent à chacune de mes actions « Tu bluffes franceis ?' » « Tu veux une bière Franceis ? » Ou après un bluff « On t’a attrapé Franceis! ».  Des commentaires bien sympas, des gens accueillants à table, ce qui m encourage à penser que la partie poker de mon voyage pourra être vecteur de rencontres intéressantes.

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Je vous épargne le compte rendu de la partie. C’etait en 3 jours, on était 100, et la finale était samedi. Sauf qu’en rentrant du jour 1, très bien placé pour la suite du tournoi, j’ai reçu un mail de Leandro, un gars qui vit à Sao Paulo, et rentre le week-end chez lui a Piquete (prononcez Piquedji), un petit village dans le nord de l’Etat de SP. Il m’a invité là bas, et c’était tellement tentant que j’ai décidé d’opter pour une stratégie très risquée pour le jour 2, qui devait soit m’ assurer d’arriver au jour 3 avec un tapis énorme ( et m’ assurer une bonne place payée ) soit me faire éliminer. Le plan a fonctionné parfaitement car je me suis fait éliminer très rapidement au jour 2 haha. A vrai dire, j étais a peine déçu, car je savais que le week-end allait être épique. Un début plutôt raté niveau poker, vu que je perds 2 tournois sur 2, mais je me rassure en pensant que le tournoi n’est pas la forme de poker que je maîtrise le mieux, et que les mises restent faibles par rapport à mes habitudes françaises.

Du coup, samedi matin, de retour d’Arpoador, après avoir dormi 2h, me voici dans le bus qui m’emmène à Piquete. Je suis un peu excité, car l’aventure commence vraiment ici…

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