Article précédent : 32. Le spleen
Au tout début de mon voyage, j’ai failli m’encastrer sur le pare choc d’un énorme camion au sortir d’une ville argentine dont j’ai oublié le nom. Il faisait nuit, j’étais sur une petite route toute droite, et le semi-remorque arrivait d’en face en dépassant un collègue sur ma voie. J’ai cru qu’en me voyant arriver il annulerait la manœuvre, mais il a continué à s’approcher à fond malgré les appels de phare. J’ai dû sortir de la route en urgence, manquant de me rétamer à soixante-dix dans les cailloux du bas-côté, et j’ai senti l’énorme appel d’air du monstre passant à toute allure à côté de moi. Je n’ai jamais su s’il ne m’avait pas vu, ou s’il était de cette race de camionneur fou dangereux qui sur la Panaméricaine se prennent pour les rois et ignorent tout véhicule inférieur à 18 tonnes. Ce soir-là j’ai eu la peur de ma vie, et ne suis plus jamais parti de nuit.
En abandonnant Parkinson quelques jours plus tôt à Sullana, et en voyageant de nouveau comme un backpacker traditionnel, je n’ai plus eu de raison d’avoir peur du noir. Le trajet de Cuenca à Quito a donc rompu presque un an de cette habitude, et j’ai pu de nouveau gouter aux joies des bus de nuit : le stress à chaque arrêt pour vérifier que personne n’embarque le sac à dos, la couverture trop fine, ou trop courte, pour résister au froid de l’altitude, l’odeur d’humidité, de sueur, ou d’autres charmantes sécrétions corporelles selon la forme des passagers… Avec mes boules Quiès (certainement le meilleur investissement de mon voyage), je m’étais au moins épargné les pleurs de bébés, mais à cinq heures du matin, ne dormant pas et n’ayant de toute manière quasiment pas fermé l’œil de la nuit, j’ai lâché l’affaire et les ai retirées.
Autour de moi, les passagers commençaient eux aussi à se lever, et aux ronflements se joignaient désormais les frottements des sacs qu’on prépare. Depuis quelques dizaines de minutes, la montagne équatorienne s’éclairait progressivement de lampadaires, et le paysage se transformait en cet interminable enchainement de laideur qui précède l’entrée des métropoles sud-américaines. Rues sales et poussiéreuses, circulation anarchique, immeubles bas en parpaings terminés à la va-vite. Nous arrivions à Quito.
A six heures, les lumières du bus se sont allumées. Peu après, nous sommes arrivés au Terminal, et tout le monde s’est levé dans un bruyant silence. Après une nuit d’enfermement, l’air froid de la capitale m’a presque semblé être celui de la campagne suisse. J’ai récupéré dans la soute mon sac qui par miracle était encore là, puis suivi les voyageurs vers la sortie.
Il ne faisait pas encore tout à fait jour. J’étais au milieu d’une foule grossissante d’hommes et de femmes au visage fatigué, lycéens et étudiants, sac sur le dos et style urbain, travailleurs en costume, mallette à la main, quelques rares hommes en tenue plus traditionnelle chargeant des sacs de provisions, tous venant de la province ou de la banlieue en ce lundi matin pour travailler la semaine à Quito. J’étais un des seuls étrangers mais personne ne semblait se soucier de ma présence, tous occupés qu’ils étaient à passer vers les autres bus qui allaient les emmener au centre. Sans trop chercher à comprendre, je me suis laissé entrainer par le flot qui était désormais un peu plus fort et bruyant, ai acheté un billet, demandé mon chemin et me suis placé dehors dans l’une des files d’attente le long des quais de chargement.
Depuis un petit moment, quelque chose semblait changer dans l’air. Le soleil était apparu, et je sentais la tension monter. Quelques personnes se sont mises à courir, d’autres à s’interpeller de loin. Un des bus est arrivé sur notre voie, et à la pression de la foule contre mon sac à dos, j’ai compris que c’était le nôtre. Je me suis senti inexplicablement nerveux.
Le véhicule s’est arrêté.
Les portes se sont ouvertes.
Instantanément, ce fut le déchainement d’un torrent en furie.
Derrière moi, j’ai entendu des cris, et ils se sont tous mis à pousser comme des damnés. Les premiers se sont rués à l’intérieur sur les places assises. La femme qui était juste devant moi a trébuché et est tombée. J’ai cru qu’elle allait se faire piétiner. J’ai poussé aussi fort que je pouvais vers l’arrière en criant et par miracles d’autres ont suivi, et le torrent s’est apaisé un instant, juste le temps suffisant pour que quelqu’un l’aide à se relever. Quand ce fut fait, on m’injecta à l’intérieur. Je me suis collé contre la porte opposée, en un éclair, le bus fut plein à craquer, et les portes se fermaient péniblement.
Bientôt il n’y eut plus que des aisselles et des regards fuyants. J’ai passé l’heure qui a suivi comprimé contre ma vitre, le sac entre les jambes, bataillant silencieusement pour grappiller quelques centimètres d’espace tel un soldat dans les tranchées de Verdun. Quand enfin je fus dehors, je ne sais trop comment à l’arrêt qu’on m’avait indiqué, suant malgré le froid, j’ai pris une décision : il était temps de racheter une moto.
Il m’a fallu quelques jours pour m’en occuper, mes débuts dans la capitale étant un peu instables du fait que le courant ne passait pas du tout avec ma couchsurfeuse. Sur le papier pourtant, je me serais bien vu épouser cette jolie prof de salsa, mais dès la première rencontre, j’ai compris que c’était mort. Nous n’avions rien à nous dire. Les quelques ballades que nous fîmes au début par acquis de conscience furent d’un ennui mortel, et malgré son appartement superbe sur les hauteurs du quartier bohême, je décidai de prendre mon sac et un taxi jusqu’aux tours ennuyeuses du Nord de la ville, dans la coloc de Nico, une autre couchsurfeuse sympa avec laquelle j’étais allé boire des coups. Elle était jolie, avait une Tour Eiffel fraichement tatouée sur le poignet, et malgré la veste monumentale qu’elle m’a mise, on s’entendait à merveille. Elle me laissait les clés de chez elle pendant qu’elle bossait, et j’ai eu le luxe de pouvoir faire des grasses matinées avant d’aller à la recherche de ma nouvelle moto.
J’ai passé un certain temps à parcourir Quito ainsi, par ses coins les plus laids, ceux où se regroupent tous les concessionnaires le long des avenues sans âme. C’était la galère. Je ne voulais pas me racheter une mauvaise moto chinoise et passer les cinq mille premiers kilomètres avec des emmerdes comme c’était arrivé avec Parkinson. Pour autant, je ne pouvais pas non plus me permettre de dépenser 4000 dollars pour m’acheter une japonaise de qualité. Il restait les occasions, mais quasiment personne n’en vendait, et je ne me sentais pas prêt à en acheter une sur le net. Puis une matinée, presque découragé après avoir enchainé toutes les boutiques de l’immense avenue Shyris, j’en ai tenté une dernière et suis tombé sur Vegas.
Elle était là sur son socle, fringante et tape à l’œil et j’ai tout de suite eu envie de la posséder, le vendeur n’a pas eu à faire grand-chose. Pourtant en théorie ça aurait du être plus compliqué. Mes récentes déconvenues pokeristiques ne me permettaient absolument pas de débourser les 2200 dollars qu’elle m’a coûtés. Mais j’avais été à ce point dégouté de mes dernières étapes en bus, et elle me plaisait tellement que j’ai balayé l’objection d’un revers de la main. J’étais à l’époque en pourparlers avancés avec mon éditeur et Everest Poker, et je savais que les premiers chèques allaient bientôt tomber. Je me suis donc permis une petite folie, et le lendemain, j’étais de retour avec ma carte bleue.
– Bon eh bien félicitations ! Tu vas voir, c’est une super moto. Je te donne les papiers. Voici la facture. Ton assurance obligatoire pendant un an. Dans dix jours, je te donne comme prévu la plaque temporaire, et dans deux mois tu recevras la définitive en métal.
– Quoi ?? Deux mois ??
– Euh oui.
– Mais tu ne m’avais jamais dit ça avant ! Tu m’as dit deux semaines maximum !
– Ah mais je parlais de la plaque temporaire, tu peux rouler avec de toute manière.
– Oui mais je ne peux pas sortir du pays, n’est-ce pas ? Ils ne vont jamais me laisser entrer en Colombie avec une plaque en papier, non ?
– …
El hijo de puta ! Le mec m’avait promis que je pourrais conduire ma moto dans deux semaines, mais il s’était bien gardé de préciser que je ne pourrais pas sortir du pays ! Techniquement il n’a pas menti, ou juste par omission, mais il savait pertinemment que j’étais pressé de continuer ma route ; je lui avais parlé de mon voyage. L’Equateur n’était censé être qu’une étape rapide, j’étais trop pressé d’arriver en Colombie dont on me parlait en bien depuis si longtemps, et la perspective de rester deux mois de plus ici à ce moment m’a foutu un coup au moral.
Je ne suis pas du tout superstitieux, mais j’ai tendance à croire au poker comme dans la vie qu’il existe des « dynamiques ». Des sortes d’énergies qui sans qu’on comprenne exactement pourquoi amplifient certaines tendances préexistantes. Arrivez au boulot un beau matin d’excellente humeur, et vous verrez votre journée s’éclairer d’heureuses surprises. Allez jouer au poker après avoir appris une mauvaise nouvelle et vous sortirez probablement perdant de votre session.
J’étais dans une sale dynamique depuis mon entrée en Equateur, entre mes galères avec la Chata, celles du poker, maintenant la moto… Et tout semblait fait pour continuer vu que désormais j’étais bloqué ici. Je commençais à détester Quito, et elle me le rendait bien. Je l’avais parcourue à tort et à travers, et n’en pouvais plus des embouteillages, du froid, et du temps maussade en permanence. Les Quiteños n’étaient pas spécialement non plus les latinos les plus aimables d’Amérique du Sud. Ils cumulaient la méfiance des gens de la ville avec le tempérament plutôt introverti des montagnards. Hormis Nico et les autres couchsurfeurs que je fréquentais, j’avais du mal à établir des relations amicales lors de mes différentes rencontres. Les restaurateurs se contentaient du minimum, les taxis essayaient de m’arnaquer à chaque trajet et s’offusquaient quand je résistais. Je m’étais même fait tirer mon portable comme un bleu par deux motards dans un coin pourtant supposé sûr.
Je passais ma vie dans les transports en commun. La ville était immense, toute en longueur, serrée dans sa vallée étroite à 2800 mètres, mais s’étendant sur des dizaines de kilomètres du Nord au Sud. Je passais le plus clair de mon temps au Nord, là où j’étais hébergé, dans la zone des bureaux, centres commerciaux, discothèques. C’était Quito la laborieuse, celle des hommes en costume pressés durant la pause déjeuner. Quito l’Occidentale, dont l’architecture internationale donnait l’impression de se balader partout sauf en Amérique du Sud.
J’avais également fait quelques incursions au Sud mais je ne m’y sentais pas spécialement mieux. C’était pourtant une toute autre ville. Quito la coloniale. Le plus grand centre historique préservé du continent. C’est là que se trouvaient la majorité des touristes et le luxe des belles maisons espagnoles restaurées. La municipalité avait décidé d’entamer la « reconquête » de ces quartiers, et l’endroit était en pleine mutation, pas encore transformé en cette carte postale artificielle vendue aux étrangers, plus tout à fait le ghetto qu’elle était il y a encore quelques années. C’était assez troublant. A deux cuadras du palais présidentiel, on arrivait déjà dans des rues craignos où trainaient les mecs au regard torve et où les mendiants couchés sur le trottoir refaisaient les bandages de leurs pieds suintant le pus. La misère ici, au milieu de la beauté des façades, avait quelque chose d’incongru, qui me mettait mal à l’aise.
Je n’ai jamais réussi à me sentir bien ici, mais j’étais tellement découragé des voyages en bus que j’avais la flemme de visiter le reste du pays et restais là à me morfondre. Du coup, comme à chaque fois que je commençais à m’installer quelque part, j’ai développé instinctivement ma petite routine.
Le matin, je faisais mon passage rituel chez le concessionnaire histoire de leur rappeler que je continuais d’exister et de mettre un peu de pression pour accélérer la venue de la plaque. J’en ai profité pour devenir pote avec le jeune qui s’occupait des papiers. J’étais bien tombé puisqu’il avait exactement la même moto que moi et rêvait de voyager avec. Je lui ai montré la vidéo de mon voyage et lui ai glissé quelques billets pour lubrifier les rouages de l’administration.
L’après-midi, je le passais avec Nico, ou Emily, ou Andrea, ou Osama ou Dante… Je finissais par connaitre un tas de monde, des gens tous différents et sympas. J’étais passé au bout d’une semaine chez un nouveau couchsurfeur, John, la cinquantaine, directeur artistique pour la télé équatorienne qui recevait sans arrêt dans son bel appart une tripotée de voyageurs, et je rencontrais donc tout le temps des gens pour occuper mes journées. Nous sommes partis plusieurs fois en ballade, sur les magnifiques montagnes autour de Quito, ou jusqu’au volcan Cotopaxi.
Le soir j’allais jouer au poker. J’avais réussi à obtenir deux adresses différentes. La première m’avait été fournie par un Français expatrié dans la capitale depuis plusieurs années, joueur de highstakes (parties à hautes limites) et accessoirement lecteur de mon blog. Il avait rasé pendant longtemps une table apparemment fréquentée par la bonne société de la capitale et même s’il avait déménagé depuis, il avait eu la bonne idée de me donner le contact de l’organisateur, un certain Elias. Le problème était le prix d’entrée, un peu plus élevé que mes parties françaises, et clairement inaccessible à ce moment de mon voyage, surtout après avoir acheté la moto.
La deuxième adresse m’avait été fournie directement par Elias. Les mises y étaient plus faibles, et le plan était donc de grinder ( « monter » de l’argent en jouant régulièrement ) la petite partie et arriver sur la grosse quand cela serait possible. C’est ainsi que j’ai débarqué un soir en taxi à l’adresse qu’on m’avait indiquée, pas loin de l’endroit où j’avais acheté la moto.
J’étais à l’intersection de deux avenues passantes, le long d’un bâtiment de bureau de deux étages à la façade circulaire qui ne semblait pas différent de ceux qui l’entouraient. Rien ne semblait indiquer qu’une partie pouvait avoir lieu ici. Le poker étant illégal en Equateur, il n’y avait évidemment aucune chance que cela puisse en être autrement. Seules quelques jolies voitures stationnées là, et plusieurs fenêtres allumées au rez-de-chaussée auraient pu intriguer le passant se demandant pourquoi des gens travaillaient encore à 22 heures.
Je suis entré dans le hall dans une sorte de salle d’attente. Quelques magazines, une table, un canapé. D’une porte ouverte j’ai vu s’approcher une jolie fille.
« Bonjour, je viens pour le poker
– De la part de qui ?
– Elias
– Ah oui ? Viens ça commence »
Elle m’a fait entrer dans la seconde pièce. Assez grande, à vue de nez une centaine de mètres carrés. Au sol la moquette bleu foncé, en l’air, des faux plafonds aux néons blancs. J’étais dans un local typique de bureau, sauf qu’au lieu du mobilier traditionnel de travail, il y avait un bar, un échiquier, et trois tables de poker. Sur l’une d’elles étaient assis quelques joueurs, des hommes, de la trentaine à la soixantaine. Je me suis assis avec eux.
« Buenas noches, que tal ?
– Buenas ! D’où viens-tu ?
– De France, je suis un ami de Michel, mucho gusto !
– Ahh ! Michel, ca fait un moment qu’on l’a pas vu ! Il devient quoi ? »
Mon contact était apparemment un joueur réputé dans le coin, et un excellent briseur de glace. Comme toujours, le côté étonnant de ma présence attisait la curiosité, et j’ai vite été accepté parmi eux. Les débuts furent plutôt encourageants. La table était relativement facile, et je suis sorti de là le premier soir en ayant enfin rompu la série de défaites qui me suivait depuis Cuenca. Pendant un moment, j’ai cru que j’allais m’en sortir, et je me faisais déjà des plans pour anticiper en combien de sessions je pourrais rembourser la moto. Mais l’espoir fut de courte durée. A mon retour quelques jours plus tard, j’ai continué à vivre le mélange de bad run et d’erreurs stupides qui me pourrissait la vie. La mauvaise dynamique semblait faite pour se prolonger. J’ai perdu. Encore et encore.
Après la troisième session perdante d’affilée, je n’avais plus aucune motivation, allait jouer en traînant des pieds, convaincu à chaque fois que j’allais me faire plier. J’ai vite constaté que le plan initial d’essayer d’atteindre la table plus chère était illusoire, et l’idée de rembourser la moto était tellement lointaine que je me sentais ridicule d’avoir ne serait-ce qu’envisagé la possibilité. J’ai espacé mes venues, demandé conseil. Mais malgré les pauses et le soutien de mes amis joueurs, je n’arrivais plus à redresser la barre.
Le coup de grâce eut lieu l’un des derniers soirs. J’avais obtenu la plaque temporaire de la moto et était venu avec elle, de bonne humeur, exceptionnellement. J’étais celui que je prétendais être : un joueur pro voyageant à travers l’Amérique du Sud en se finançant grâce au poker. Je me sentais fier de moi. Mais ça ne dura pas. Comme toujours depuis quelques semaines, j’avais l’impression de faire absolument n’importe quoi avec les cartes.
Je me vois encore vers le milieu de la soirée, complètement éteint sur ma chaise, ne parlant à personne, impoli, n’ayant envie de rien. Une fois au cours de la soirée, je me fais charrier par un des joueurs « ahh t’es encore là? ». Je ne réponds même pas, pas la force. Un sourire gêné et je détourne les yeux. La soirée avance, je ne fais rien, je joue mal, perd confiance, joue encore plus mal. Un putain de cercle vicieux. Au bout d’un moment, je ne recave même plus, me contentant de jouer avec ce que j’ai devant moi, laissant s’évaporer petit à petit mon stack. 100 blindes. 90. 75… Je deviens le genre de joueur que je considérais comme le spot il y a encore quelques mois. Celui qui joue prudent, qui n’a plus grand chose devant lui et se laisse mourir petit à petit. Celui qui joue sans bankroll… A ce moment, je suis tellement mauvais que ma seule manière de gagner, c’est un coup de chance, une paire d’as contre une paire de roi, de l’argent facilement gagné pour pouvoir essayer d’arrêter l’hémorragie.
Rounders
Un moment je me lève et pars commander à boire. Je m’éloigne de quelques mètres, écoute distraitement une conversation, et comprends qu’ils parlent de moi. Je n’entends que quelques bribes, prononcées par un des joueurs décents à table, mais c’est suffisant.
« Lui ? Non, il n’est pas professionnel
– Sisi, il en parlait tout à l’heure… finance son voyage…Amérique du Sud
– Non impossible… Non. Je te dis que non »
Ce qui m’a fait le plus mal, ce n’est pas tant qu’il l’ait dit, mais que je sentais profondément que c’était la vérité. Je jouais comme un pied, j’étais émotionnellement complètement instable, la confiance à zéro. Si un jour j’avais eu le niveau pour être professionnel ( et je l’avais eu sans doute pendant la première année de voyage ) ce n’était plus le cas. Pour la première fois , je voyais sérieusement s’approcher le brokage ( la ruine).
Ce n’était pas une surprise. Je savais que ce moment allait arriver tôt ou tard. C’était trop dur. Je ne pouvais pas mener de front une vie de d’aventure, d’écriture, de romance et en même temps rester au top du poker. La seule question, c’était de savoir quand, et à Quito, j’ai su qu’à moins d’un miracle, ce serait dans peu de temps. Je suis revenu à table, complètement défait, et dans un éclair de lucidité, au lieu de me rasseoir, j’ai pris ce qu’il me restait en jetons, et suis parti les changer.
Je ne suis plus revenu jamais revenu.
J’ai continué mes errances urbaines pendant quelques temps. Sans aucune envie, sans trop savoir quoi faire. Heureusement, peu de temps après, j’ai reçu la première bonne nouvelle depuis trop longtemps : la plaque définitive de la moto était arrivée. Ca n’avait pris que deux semaines au lieu de deux mois ! Il semble que ma petite routine et le billet avait facilité les choses… Je suis donc revenu chez le concessionnaire pour me la faire fixer et le surlendemain, à 8 heures, mon sac était prêt.
Je me suis enfui sous le ciel encore et toujours gris de la capitale équatorienne. Mais pour la première fois depuis longtemps, je me sentais à bloc. Vegas a été le coup d’accélérateur qui m’a permis de sortir de la boue dans laquelle je m’empêtrais depuis trois semaines. Elle était incroyable à conduire. Rapide, puissante, et tellement silencieuse qu’elle semblait glisser sur la route. J’ai traversé tout le Nord du pays en à peine trois heures, roulant sur de magnifiques routes en lacet traversant des montagnes verdoyantes me faisant regretter d’avoir passé tellement de temps en ville. En début d’après-midi, j’étais arrivé à la frontière. Après un mois morose en Equateur, treize mois d’aventures folles en Amérique du Sud, j’atteignais enfin le pays qui me faisait rêver depuis le début : la Colombie.
Tjs aussi passionnant..
C’est curieux de lire avec un tel décalage avec la réalité, puisqu’on a les news en direct sur FB, mais c’est pas grave!
pour moi aussi c’est un peu curieux, mais pas le choix, je n’arrive tout simplement pas a ecrire en temps reel !